Au salon du LSA à Sebring, Floride, USA, qui vient d’ouvrir ses portes, la puissante organisation américaine Aircraft Owners and Pilots Association (AOPA) expose un Cessna 152 « Reimagined », remis en état au goût du jour et commercialisé au prix de 100.000 $. L’association entend ainsi évaluer le concept d’avions anciens, entièrement remis en état du cône à la direction, pour diminuer les coûts d’exploitation… Elle envisage d’effectuer à nouveau cette opération sur d’autres Cessna 150 et 152.
Il est vrai qu’aux Etats-Unis, en dehors des Light Sport Aircraft (LSA), les trois grands constructeurs de l’aviation générale par le passé (Cessna, Piper et Beechcraft) ont quitté depuis plusieurs décennies le marché du biplace école. Beechcraft a été racheté par Cessna et dans la gamme Beech qui conserve son nom, le premier monomoteur à piston est le… Bonanza. Chez Piper, le premier de la gamme est l’Archer DX après l’abandon du PiperSport – proposé quelques mois dans le domaine du LSA puis retiré – tandis que chez Cessna, il faut citer le 172 Skyhawk puisque la tentative de proposer un biplace de début de gamme, avec le LSA Model 162 SkyCatcher, a échoué lamentablement.
Les écoles américaines, dont certaines avaient commandé plusieurs SkyCatcher, se retrouvent à envisager de remettre à neuf leurs vieux biplaces Cessna de première génération, équipés de Continental O-200 (100 ch) ou Lycoming O-235 (115 ch). Aussi, l’AOPA s’est-elle associée à Aviat Aircraft (le constructeur des Pitts, Eagle et Husky) pour étudier ce concept car l’association pense que dans le cas d’un usage collectif (copropriété, club ou école de pilotage), un avion ancien (un 152 se trouve sur le marché entre 35.000 et 50.000 $), remis à neuf, présente l’atout de permettre à un plus grand nombre de pilotes de voler.
Une autre société, Triple R Affordable Aircraft, également présente à Sebring, vise la même démarche avec son concept Triple R pour Rebuild, Restore et Re-equip (soit Reconstruire, Restaurer et Rééquiper). Mais la société vise une gamme d’appareils plus large, du biplace école (Cessna 150) au Beech King Air en passant par des monomoteurs à train rentrant (Mooney, Bonanza) ou des bimoteurs.
La boutique Sporty’s a déjà inaugré cette voie fin 2014 en lançant le Cessna 172Lite. Annoncé à la mi-décembre 2014, ce programme vise à remettre en état des Cessna 172 avec nouvel aménagement intérieur, une peinture extérieure (« pour lui redonner de l’attractivité ») et la mise en place d’un tableau de bord « basique » (VHF, transpondeur), ceci afin de diminuer le coût de l’heure. Les interrupteurs et commandes ont été remplacés par des modèles robustes pour résister dans le temps. Moteurs et hélices sont révisés. Le premier 172Lite, utilisé à la Flight Academy de Sporty’s, est loué 99 $ de l’heure, passant ainsi sous la barre symbolique des 100 $.
Pour Al Shivers, le patron de Sporty’s, avec seulement une instrumentation de base sur le 172Lite, l’élève apprendra avant tout les fondamentaux du pilotage et, après la maîtrise nécessaire de ces apprentissages, il sera temps pour lui de passer à des appareils mieux équipés, mais plus chers, pour compléter sa formation. L’avion initial n’est là que pour apprendre le pilotage de base, sans avoir besoin de « dizaines de boutons, interrupteurs et switches » fournissant un accès à des informations alors inutiles.
Ainsi, avec une machine au prix peu élevé sur le marché de l’occasion car largement répandue, il est préférable de tout remettre à neuf plutôt que d’acheter le… même modèle en neuf pour un prix nettement plus élevé. Le différentiel de coût entre l’occasion remis en état et l’appareil entièrement neuf permet en effet de remplir les réservoirs de carburant et de voler sur une bonne période de temps, avec un amortissement financier moindre.
C’est le paradoxe de l’aviation générale, pour sa facette « motorisation à pistons », dont les performances ont quasiment été figées dans les années 1940/1950 car les lois de la physique ne sont pas contournables. Les gains apportés par les avions « modernes » proviennent essentiellement du confort, du tableau de bord (avionique, glass cockpit), parfois des qualités de vol (caractéristiques plus « calmes » au décrochage, effets secondaires moindres) mais rarement de la fiabilité des moteurs car ce sont toujours les Continental et Lycoming bien amortis et à la fiabilité éprouvée face à des moteurs « modernes » dont le TBO est souvent inférieur. Quant au « look » moderne qui attirerait plus le non-initié, c’est souvent une question de décoration et de marketing ! ♦♦♦
© Photo Triple R