Parmi les « belles » réussites à mettre au crédit de l’EASA, il faut citer le CS-LSA, la norme réglementaire européenne devant régir les Light Sport Aircraft (LSA) en Europe, officialisée en juillet 2011. Il s’agissait de proposer cette nouvelle catégorie de machines biplaces avec quelques années de retard sur le FAA américaine.
Aux Etats-Unis, les LSA reposent sur un système déclaratif, proche de celui des ULM en France, avec une masse limitée à 600 kg, un train d’atterrissage fixe, une hélice à pas fixe et une limitation des performances à 120 Kt maximum à la puissance maximale continue. Le marché américain du LSA a été en grande partie accaparé par les ULM européens à la masse augmentée de 450 à 600 kg.
En Europe, l’EASA a souhaité élargir le domaine des LSA avec train rétractable, hélice à calage variable, sans limitation de performances, mais, en contre-partie, chaque LSA à l’européenne doit non pas être « homologué » mais « certifié ». Qui dit certification, dit coûts additionnels. Et pas des moindres puisque plusieurs constructeurs ont évalué de 600.000 à 800.000 € le processus, imposant dossiers de calcul normalisés, essais statiques, essais en vol avec des normes précises sans oublier l’acquisition des agréments de conception (DOA) et de production (POA).
Ceci explique que 3 ou 4 appareils sont seulement actuellement certifiés CS-LSA (les trois premiers étant les SportStar, PS-28 et CT) et que des constructeurs ont depuis jeté l’éponge, dont Cessna Aircraft et son SkyCatcher désormais reparti dans le tiroir des prototypes sans suite. Les trois premiers CS-LSA ont été certifiés rapidement histoire pour l’EASA de démontrer qu’elle savait aussi bien faire que la FAA. Depuis, le listing a peu évolué… Il est vrai que le marché du LSA américain n’est pas en pleine expansion avec désormais peu de nouvelles immatriculations chaque année mais plus de 2.500 LSA sont cependant immatriculés outre-Atlantique. Rien à voir avec les chiffres européens.
Comme la certification des LSA à l’européenne était encore en gestation, pour ne pas freiner le commerce, l’Agence européenne avait accepté que les constructeurs diffusent de futurs LSA sous « laissez-passer » provisoire (Permit to Fly) valable deux ans. Au bout des deux premières années, le processus réglementaire n’étant pas achevé, les appareils concernés avaient été prorogés de deux années supplémentaires.
Le calendrier allant encore trop vite pour l’EASA, nous voilà déjà au bout de la seconde prolongation et en France, on compte une cinquantaine d’appareils vendus comme LSA mais pas encore certifiés CS-LSA. Ils volent donc sous laissez-passer EASA renouvelable par la DGAC… chaque année. De plus, ces appareils peuvent ne pas être au standard du modèle devant être certifié CS-LSA, imposant une remise à niveau par le constructeur… Ces LSA en devenir sont notamment des CT – car Flight Design n’a obtenu son agrément de production que dernièrement – et des WT-9 Dynamic.
Ainsi, l’EASA envisageait, courant 2014, de mettre fin à la procédure du laissez-passer à l’été 2015 mais au vu du coût d’une certification CS-LSA et du peu d’entrain des constructeurs à financer les remises à niveau, il y a de fortes chances que l’EASA soit obligée de reconduire à nouveau le principe du laissez-passer – du provisoire qui dure au moins depuis fin 2008 !
Mais le point le plus important n’est pas là. Avec les « laissez-passer », l’EASA avait établi des contraintes comme le classique non-survol de zones habitées mais aussi… l’interdiction de lâcher des élèves mais pas de transformer des pilotes déjà brevetés. Or, les LSA sont considérés par de nombreuses structures (clubs et écoles) comme une possible voie pour diminuer les coûts de formation initiale. Mais dans ces conditions, comment former un pilote si, une fois arrivé au lâcher, il ne peut voler seul à bord de la machine sur laquelle il a été formé ? Questionné à Cologne, plusieurs responsables de l’EASA avaient soudainement découvert cette absurdité réglementaire sortie de leur bureau mais qui reste toujours à l’ordre du jour.
Cette levée de la restriction d’utilisation en vol solo pour des élèves encore non brevetés serait la preuve que l’EASA a bien pris en compte la nécessité de textes bien conçus, proportionnés aux risques, en vue de simplifier la réglementation et dynamiser l’activité – comme elle s’y est engagée une nouvelle fois à Rome, en octobre dernier (bis repetita). Une évolution réglementaire du CS-LSA pourrait donc être programmée mais si en pratique, elle arrive dans deux ou trois ans, quel intérêt ? Pourquoi faut-il autant de temps pour supprimer une contrainte alors qu’il semble aisé de l’émettre initialement ? Et à vouloir se démarquer du LSA de la FAA, l’EASA a donc conçu une usine à gaz dont le bilan est loin d’être positif. Le choc de simplification reste toujours à venir… ♦♦♦
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